Prologue
Depuis mon premier brevet de 200km en 2013,
Paris-Brest-Paris m’a toujours fasciné. En 2015, j’avais réalisé
tous les brevets qualificatifs, dans l’optique d’une « grande
répétition », sachant d’avance que je ne pourrai pas
m’inscrire à l’événement. Étant apprenti dans le domaine
agricole à l’époque, l’été c’est la haute saison ! Ma
prochaine chance d’y participer serait donc en 2019...
Qu’à cela ne tienne, sur ces brevets j’ai pris beaucoup de
plaisir, et d’autres événements existent pour se faire la main.
En 2017, je suis sur le parcours de la BTR, de monts en monts.
Première expérience de plus de 600km super encourageante, dans ces
paysages montagnards magnifiques et cette chaleur caniculaire. Je
terminerai en haut du Mont Ventoux, parce qu’en retard sur mes
prévisions : je pourrais finir dans le délai de 120h, mais je
ne pourrais pas rentrer à temps pour terminer mon mémoire de fin
d’études (au stade 50 % fini, dirons-nous…). En 2018 je
réitère sur la Ronde Aliénor d’Aquitaine. J’ai lu des récits
de participants 4 ans auparavant, et gardé cette randonnée dans un
coin de ma tête. Je pars un peu plus préparé que je ne l’étais
pour la BTR, mais pas autant que j’aurais voulu. Encore une fois,
le parcours est top et la chaleur caniculaire. J’apprends beaucoup
sur moi durant ces 86h de route.Donc 2019 arrive, et je sais depuis longtemps qu’après le 15 août, je serai sur Paris-Brest-Paris ! Ma préparation physique est un peu plus consciencieuse qu’auparavant ; je veux partir en forme sur ce premier PBP. Je me pré-inscrit dans la première vague, grâce à la RAA validée en 2018. Je réalise mes brevets dans mes délais habituels, fais quelques sorties « préparation PBP » comme le brevet de grimpeur du nord Cotentin, pompes et gainage tous les jours, et ne bois plus une seule goutte d’alcool.
L’été se passe, ma forme physique est bonne, mais ma forme mentale est bien entamée. J’ai complètement changé de domaine d’activité depuis 2016 pour me consacrer à ma passion, mais la « haute saison » se passe également en été, avec son lot de salons et d’événements. Du 4 au 11 août, je suis donc sur la Semaine Fédérale de Cognac. C’était bien sûr prévisible, mais c’est marrant comme on a tendance à oublier, au fil du temps, le mauvais côté des choses. Je termine donc le 11 août l’après-midi dans une toute petite forme. La seule chose qui me ferait plaisir à ce moment est de prendre 1 mois de vacances, dont 1 semaine à rester immobile dans mon hamac. Seulement PBP est le 18 août, le Concours de Machines les 16 et 17, et je bosse les 12, 13 et 14 (en horaires aménagées, certes!). Je n’aurai donc que le 15 août pour dormir un peu, et prendre tranquillement la voiture vers Rambouillet. Mon hamac n’est pas prêt d’être déplié !
Rambouillet,
nous voilà !
Cette année, le Concours de Machines se déroule sur
PBP, et indirectement, j’ai participé à l’organisation en plus
d’avoir participé à l’élaboration d’une nouvelle machine.
Vendredi matin, nous passons en commission technique avec la machine
Cyfac, Alex (le pilote) et moi. Puis montage des stands et barnums
sous la pluie, mise en place de l’expo, et explications autour de
nos vélos pour les visiteurs.
Rebelote Samedi. Je m’accorde quand même quelques siestes dans mon coffre de voiture, histoire de rester frais. Par chance, le pilote m’héberge dans la maison d’un membre de sa famille, à 800m du départ. On s’octroie une belle nuit de récup’, avant de partir Dimanche après-midi.
16h30, la pluie des deux jours précédents a laissé place au
soleil, et je m’engage dans le sas de départ avec le sourire.
J’attends ça depuis bien longtemps ! J’ai réussi a avoir
ma place avec les vélos spéciaux et le Concours de Machines. Sas F,
départ 17h15.Rebelote Samedi. Je m’accorde quand même quelques siestes dans mon coffre de voiture, histoire de rester frais. Par chance, le pilote m’héberge dans la maison d’un membre de sa famille, à 800m du départ. On s’octroie une belle nuit de récup’, avant de partir Dimanche après-midi.
Paris-Brest
Le départ de notre sas est donné. Beaucoup se
demandent ce que des vélos normaux foutent avec des vélomobiles,
des vélos couchés et des vélos pliants. L’un d’entre eux lance
« Mais c’est parce que ce sont des vélos anciens ! ».
Dès la sortie de Rambouillet, dans cette première longue ligne droite, les vélomobiles nous dépassent à vive allure, puis quelques tandems. Et quelques groupes plus rapides. Je me connais et je me retiens, mon allure sera maîtrisée et plus que raisonnable sur les premiers 200km au moins. Mon plan est de finir en moins de 70h, et de ne m’accrocher à aucun groupe, pour vivre ce PBP au gré de ma forme et de mes humeurs. Il faut aussi préciser que je pars en totale autonomie, avec un cuissard de rechange, les vêtements pour le froid et la pluie, un sursac et un peu de bouffe.
Rapidement, un groupe se forme avec quelques participants du
Concours de Machines : Matthieu sur son Pech’tregon, Sophie,
sa compagne, sur son Cattin du CDM 2016, Marguerite, pilote pour
Cattin cette année, Marc sur son Martignac, Nicolas avec sa licorne perchée sur le casque et son Grade9, et Alain, le pilote d’Andouard,
le plus expérimenté d’entre nous. Alain donne le tempo, qui me
convient parfaitement.
La route défile, le vent de face souffle dans ces portions droites et plates. Nous nous abritons un certain temps derrière deux tandems successifs. Ils ne veulent pas être relayés, parce dès qu’un petit peu de relief apparaît, leur vitesse augmente ou diminue beaucoup plus vite que la notre. Nous croisons quelques tricycles anglais, et quelques pignon fixe. Il y a du monde sur la route, beaucoup de monde. De longs pelotons s’étalent et se succèdent. On voit également passer Fiona Kolbinger, vainqueur de la TCR quelques semaines plus tôt, en tête d’un peloton rapide du sas G, parti 15 minutes plus tard.
La nuit tombe doucement, et certains se sont déjà arrêtés sur des ravitos bénévoles en bord de route. Nous attendons l’entrée de Mortagne pour prendre un café au camping car d’une des connaissances du peloton, manger nos provisions, et nous couvrir pour la nuit. Nous filons à travers l’accueil de Mortagne, et continuons notre route ensemble.
Il fait nuit noire désormais. Une crevaison survient dans un virage, nous prenons 10 ou 15 minutes pour réparer à la frontale et repartons. La chaleur de l’après-midi a laissé place au froid, mais nous sommes loin de nous douter que les nuits suivantes seront bien plus rigoureuses. Nous faisons un nouvel arrêt peu après Mamers. Je suis super content d’y trouver des biscuits apéro de comptoir ; je suis parti sans Tucs par manque de place et je le regrette amèrement!
Nous reprenons la route, et je sens arriver un
gros coup de fatigue : je suis en train de m’endormir. Je
songe sérieusement à m’arrêter dormir au prochain contrôle de
Villaines, ce qui compromet mon plan initial de rouler sans m’arrêter
les 24 premières heures, et va me faire perdre du temps. Ce qui est
sûr, c’est que je ne pourrai pas suivre le groupe après ce
contrôle, soit parce que je ne pourrai plus tenir le rythme en
piquant du nez, soit parce que je me suis arrêté dormir.
D’ailleurs, je commence déjà à ralentir par rapport au groupe et
je ne vais pas tarder à les quitter. Alors autant s’arrêter. Mais
pour combien de temps ?
A ce même moment, je crois apercevoir au loin Philippe, patron et pilote des Cycles Berthoud. En me rapprochant, je me rends compte que c’est bien lui ! Étant arrivé avant moi dans le sas, nous n’avons pas pu prendre le départ ensemble, ce qui m’avait un peu déçu. Philippe, je l’ai rencontré en 2016 sur le Concours de Machines. Nous avions partagé un bon bout de chemin ensemble, et tout de suite j’ai su que j’allais l’apprécier. Nous nous sommes ensuite vu de nouveau sur et en dehors des salons, et notamment sur la Semaine Fédérale où il est coutume depuis 3 ans qu’entre l’équipe Cyfac et Berthoud nous partagions le logis et le couvert. Randonneur de longue date, il a déjà roulé et terminé 4 fois le PBP, toujours entre 60 et 70h. Y compris en 2011, sous des trombes d’eau. Autant dire qu’il se connaît mieux que moi, mais nous partageons une règle commune : ne s’accrocher à personne, et rouler uniquement comme on l’entend.
Nous étions donc la semaine précédente, ou plutôt devrais-je dire il y a deux semaines puisque minuit est désormais bien passé, sur la Semaine Fédérale. Je commence à lui demander son sentiment du moment ; il est parti fatigué et se sent tomber dans les bras de Morphée. En fait, nous sommes exactement dans le même état. Décision est prise de s’arrêter dormir ensemble au dortoir de Villaines. Nous roulons ces derniers km dans la difficulté.
Il doit être à peine 4h quand nous arrivons. Le groupe avec qui j’étais une heure plus tôt repart tout juste. Nous pointons avec Philippe et nous nous installons dans le dortoir pour 1h30. Je mets mon cache-cou sur mes yeux et mes bouchons d’oreilles. Philippe a oublié les siens. 5h30, nous nous faisons réveiller et allons prendre le petit dej. Nous profitons d’être sur un point d’accueil pour manger à la cantine. Il est 5h50 quand nous passons sur le portique de pointage, le ciel se bleuit ce qui commence tout juste à annoncer le lever du jour!
Philippe et moi retrouvons un rythme tout à fait acceptable lors de cette matinée, ce qui me fait penser que l’objectif que je me suis fixé est toujours en vue. Nous avons le même rythme de pédalage régulier, et quand viennent les bosses, nous profitons des descentes pour récupérer le maximum d’inertie afin de passer le haut de la bosse suivante en force et ainsi de suite.
Nous pointons à Fougères à 10h10. Petit arrêt à la boulangerie dans la grimpette qui nous sort de Fougères, j’en profite pour y acheter un wrap bien consistant. Philippe a l’impression d’avoir du jeu dans sa transmission depuis un petit moment, et au détour d’une zone commerciale, nous tombons sur le camion mécanique d’une petit équipe cycliste locale. Un coup de clé, et on repart.
La route passe et l’ennuie arrive. Philippe ne prend pas de plaisir, il voit petit à petit son objectif filer et ne retrouve pas l’ambiance conviviale qu’il connaît. C’est vrai, nous n’arrivons pas à rouler suffisamment vite tout en gardant du jus sous la pédale pour être en avance sur nos prévisions. En fait Philippe aurait aimé passer la barre des moins de 65h cette fois-ci. De mon côté, le vent de face continuel que nous avons depuis le départ, la foule de cyclistes et les voitures m’agacent, et je m’attendais à un paysage plus agréable à regarder. De ce côté, la RAA de l’année passée était parfaite : 184 partants en 2 vagues, et un tracé au poil sur des petites routes sympathiques (passé l’agglo de Bordeaux).
Et ce qui devait arriver arriva : Philippe évoque l’abandon. J’essaie d’échafauder une courte argumentation malgré la fatigue pour l’en dissuader : même si je pensais rouler ce PBP majoritairement seul, ou du moins sans compagnon(s) de route régulier(s), ça me ferait chier que nous nous séparions. Nous avons le même rythme de pédalage, et nous avons envie de faire des pauses au même moment. Je lui dit que pour ma part, j’irai au bout de ce PBP, quitte à prendre les 90h ou plus. C’est mon premier, PBP, et je veux voir Brest et revenir à Rambouillet à vélo. Et pour lui, avec 4 PBP tous terminés, ce serait vraiment couillon d’arrêter maintenant! Si nous avons envie de dormir, dormons, si nous avons envie de bien manger, mangeons bien, prenons soin de nous, prenons les 90 heures, mais allons jusqu’au bout!
Visiblement, mes piètres arguments ont fini par faire mouche, et le morale remonte quand nous pointons à Tinténiac, il est 13h40. Philippe va au stand mécanique de l’accueil : c’est en fait son pédalier René Herse qui est un peu desserré. Quand le speaker du point d’accueil commence à jacqueter dans son micro avec le volume poussé à fond, nous fuyons.
Nous avons récupéré Sébastien en cours de route, sur sa randonneuse Pech’tregon. Philippe le connaît bien, et je l’avais rencontré pour ma part lors du Concours de Machines 2018. Il en est à son second PBP. Pour faire suite à mon idée de prendre son temps et se faire du bien, nous trouvons un resto dans Tinténiac et commandons 3 moules-frites. Bah quoi ?
Honnêtement, j’ai mis toute l’après-midi à les digérer mais qu’importe. En cours de route, nous apprenons que Clément, membre de l’équipe Berthoud, se trouve à l’accueil de Quédillac avec de gros problèmes de digestion. Je pars le réveiller dans le dortoir, et croise au même moment Alex, le pilote Cyfac. Il accuse un peu le coup mais est en train de se refaire la cerise, attablé avec un petit en-cas. Clément lui, est en moins bon état. Nous prenons la décision de l’escorter jusqu’à Loudéac.
Nous arrivons tous les 4 à Loudéac sur les coups de 20h. Sébastien choisit de manger rapidement sur place quand nous, nous allons rejoindre l’assistance Berthoud. Oui, lui comme moi roulons en autonomie, mais Philippe a souhaité faire exception sur ce contrôle, pour pouvoir manger, enfiler un cuissard propre et remplir sa sacoche de bouffe. Nous en profitons pour dormir 1h dans le coffre de la voiture pour recharger un peu les batteries. Il doit être presque 22h quand nous repartons avec Philippe. Clément, lui, a pris la décision d’arrêter là.
La nuit est bien noire et bien plus fraîche que la précédente, mais le vent est un peu retombé. La petite heure de sommeil nous a fait du bien, surtout à Philippe, parce que pour ma part j’aurais bien dormi deux heures de plus ! Sur la route, quelques-un zigzaguent, et nous commençons à voir de plus en plus de gars arrêtés à l’arrache, au bord de la route. La route est encore longue jusqu’à Carhaix !
Nous arrivons sur les coups de minuit à St Nicolas du Pélem, le contrôle secret que tout le monde connaît. Nous croisons Thierry, que je vois régulièrement depuis deux ans sur les BRM d’Angers. Je suis content de le voir en bonne forme sur sa route de retour. Il nous dit qu’il s’agace d’attendre un type, et va prendre la route de ce pas. Nous, on a faim. Direction la cantine pour un repas complet, purée-poulet. La vache, ça fait du bien de bouffer de la patate à cette heure-ci! Je m’endors un petit quart d’heure sur la table, avant d’aller faire de la place. Jusqu’alors nous avions privilégié les champs de maïs, parce que les toilettes sont un vrai problème sur PBP, on en reparlera.
La seconde partie du chemin vers Carhaix est plus compliquée, nous roulons moins vite et la fatigue tombe. L’humidité est élevée, du brouillard commence à se former. Arrivés à Carhaix à 3h50, nous nous arrêtons dormir 2h pour repartir sur les coups de 6h. Le petit dej se fera à la sortie de Carhaix, dans un hôtel-restaurant où des participants ayant dormi sur place sont aussi en train de petit-déjeuner. C’est aussi pour profiter de wc propres et sans file d’attente interminable!
Le soleil se lève doucement, et le paysage se révèle. Les paysages sont vachement plus alléchants ici ! Le parcours monte une première petite bosse, pour descendre dans une vallée, et remonter doucement vers le Roc’h Trévézel. L’approche est verdoyante, et petit à petit se découvre le sommet désertique. Je ne m’attendais pas à trouver ce genre de paysage ici ! Une haie d’honneur de camping cars nous accueillent, puis nous descendons sur Sizun. La descente est vraiment chouette, ça fait plaisir de prendre de la vitesse! Le parcours bifurque ensuite avant Landerneau, pour plonger vers Plougastel. Le pont Albert Louppe est en vue, enfin ! Je l’attendais celui-là !
Nous nous arrêtons pour la traditionnelle photo, mais ne traînons pas non plus. On a la dalle. Philippe me prévient que l’approche du contrôle est long, ce que je constate ensuite. Pointage rapide au contrôle, où nous croisons Sébastien qui à son tour parle d’abandon. Nous essayons de l’en dissuader, mais il a l’air assez décidé. Pour nous, le plan est d’aller manger à la sortie de Brest, dans une grosse boulangerie. Nous y prenons notre temps, trop content d’être à Brest, mais nous venons d’abattre que la moitié du chemin…
Brest-Paris
Il est à peine 13h, quand après avoir englouti les
salades et pizzas de la boulangerie, nous voilà reparti dans une
longue grimpette vers le Roc’h Trévézel. Le passage par Guipavas
et Landerneau est moins intéressant que la route de Plougastel. A
Sizun, petit arrêt pharmacie : des bouchons d’oreille pour
Philippe, et de la pommade anti inflammatoire pour moi. J’ai les
trapèzes hyper contractés, mais c’est une douleur qui ne
m’inquiète pas particulièrement car assez habituel chez moi passé
600km.
Dans la descente, nous nous arrêtons 15 minutes pour faire une sieste au soleil. Oui, aujourd’hui le soleil est avec nous. Mais le vent aussi, après avoir tourné en même temps que nous, comme la météo l’annonçait. Quelle poisse quand même, le vent de face à l’aller et au retour !
Vers 17h20, nous voilà de retour à Carhaix. Nous pointons avec un petit mot pour rire à destination des bénévoles, et ne nous attardons pas. Oui, avec Philippe nous lâchons toujours une connerie suivi de grands mercis aux bénévoles, histoire de les remercier à notre manière, et de paraître plus en forme que l’on est. Pour eux aussi la nuit va être longue, des gens en or...
L’objectif est d’arriver à Loudéac pour l’heure du repas. Mais arrivés à St Nicolas du Pélem, nous savons que nous y serons un peu tard. Tant pis, nous avons l’assistance Berthoud qui a tenu le camp pendant près de 24h, des chefs ! Ils nous commandent des pizzas.
Nous pointons vers 22h30 à Loudéac, et nous dirigeons vers la voiture pour manger. Surprise, les locaux devant chez qui la voiture est garée ont entamé la conversation avec l'équipe, et nous accueillent chez eux pour manger ! Nous réchauffons les pizzas au four, et terminons par un morceau de kouign-amann… Philippe profite de leur douche, quand je profite de leur canapé pour piquer un petit somme. Je prendrai une douche plus tard. Un gros merci à eux pour leur générosité, et globalement nous avons eu un super sentiment quant à l’accueil des locaux.
Nous nous installons de nouveau dans la voiture pour dormir une petite heure au frais (il faisait bien trop chaud dans la maison). Nous repartons vers 0h30, pas facile… La nuit est glaciale, plus fraîche que les deux précédentes. C’est engourdissant, et ça accentue l’effet de la fatigue.
La nuit avançant, nous avons de plus en plus envie de dormir. Philippe commence à ne plus tenir sa droite. Lui qui la veille me disait ne pas comprendre comment on pouvait arriver à ce tel point de fatigue, est en train de l’expérimenter. Ses propos ne sont parfois pas cohérent. De mon côté, je me sens encore lucide, mais très fatigué. Vu l’état de Philippe, je ne veux vraiment pas prendre de risque. Nous sommes en approche de St Méen le Grand et donc plus très loin de Quédillac, mais je le force à s’arrêter dormir 20 minutes sur le perron d’un supermarché. Nous nous faisons réveiller par la lumière intérieure de la galerie, sans doute allumée par la sécurité.
Quelques kilomètres difficiles par notre état jusqu’à Quédillac, et nous décidons d’y dormir 3h après avoir pointé. De loin, le meilleur dortoir que j’ai fréquenté sur PBP! Il doit être 7h du matin quand nous nous réveillons. Le dortoir est presque vide désormais, et nous venons de dormir les 3h de sommeil les plus réparatrices du parcours. Avant de manger, j’ai sacrément envie de me vider. La longue queue aux toilettes du bâtiment me fait me rabattre sur les chiottes chimiques posées dehors, pleines à raz bord et avec la porte qui ne ferme pas. Rien à foutre, j’y vais. Oui, les chiottes sont vraiment un problème sur PBP. Allez le petit dej (bon appétit!) et on y va !
La matinée se passe bien, nous avons retrouvé un peu de forme. Tinténiac n’est pas très loin, nous y arrivons vers 9h20. Le speaker est encore un train de gueuler… Une nouvelle fois, nous n’y traînons pas. Il nous reste encore un peu de route.
A partir de ce moment précis, mes souvenirs deviennent flous. Je pense sincèrement qu’avec l’état de fatigue dans lequel j’étais, mes ressources cérébrales restantes se sont concentrées à me tenir en équilibre sur mon vélo et à me faire pédaler.
Toujours est-il que nous sommes arrivés à Fougères vers 12h20 (merci le tracking) et qu’il me semble que c’est à ce moment que nous y avons croisé Sébastien. Surpris, je lui dis que je le pensais dans un train entre Brest et Rambouillet. Il nous explique qu’après avoir eu la famille au téléphone, il est reparti de Brest à vélo.
Nous profitons de la cantine pour recharger les batterie. On se surprend à manger de plus en plus…
Un peu plus loin en repartant sur la route, il me semble que c’est aussi à ce moment là qu’on s’est fait dépassé par Stéphane, parti Lundi matin, organisateur des brevets dans le nord Cotentin que j’ai rencontré sur le cyclo grimpeur et croisé à la Semaine Fédérale. Il roule sur son Cyfac à raccords, avec de petites sacoches et des sandales SPD au pieds. Mais la vache, qu’est-ce qu’il envoie ! En même temps, entre son entraînement cycliste et c-à-p trail, c’est un grand sportif.
Vers 17h, nouvel arrêt bouffe et je m’enfile un jambon beurre fromage. Le vent commence à tomber un peu, enfin je crois. En tout cas, je suis certain qu’à ce moment là, avec Philippe, on se sent en méga forme. On commence à appuyer fortement, on s’amuse, on prend un max de plaisir. On passe les bosse sans problème et quelques uns essaient de s’accrocher derrière nous, sans succès.
Arrivée à Villaines vers 18h20. On a encore faim, on se fait un
vrai repas à la cantine après le pointage. Une équipe de gamins du
village sont là pour nous porter nos plateaux, adorable. Ça
commence à sentir l’écurie, et on le sait, on est méga motivés
pour aller jusqu’à Mortagne!
La nuit tombant, tout devient un peu plus dur. Nous pédalons moins vite, et retrouvons notre rythme habituel. Arrivée sur Mortagne vers 23h, on a encore envie de s’éclater une belle assiette. Allez, un deuxième dîner ? Avec plaisir ! Et puis franchement, à Mortagne c’est de la cantoche de qualité, la meilleure des accueils sur PBP, on aurait tort de s’en priver. On passe un peu trop de temps au chaud à l’intérieur, mais ça fait du bien. Quinze minutes de sieste, et on se met d’accord sur le fait qu’on prendra la décision à Dreux de prendre la route pour les derniers 40km, ou de dormir.
La sortie du Perche est compliquée. La nuit est bien noire, froide (il paraît que c’est descendu à 4°C, comme la nuit précédente), et au milieu des bois. On lutte pour voir la route et on lutte contre le froid. Comme chaque nuit, des cyclistes sont endormis à l’arrache sur le bord de la route. Certains, repoussés par la froideur et l’humidité de l’herbe, s’installent sur le goudron sans se rendre compte qu’ils sont sur la chaussée, voir en plein sur un stop. Arrive Senonches, marquant la fin du Perche. Pour autant, on n’est pas en meilleure forme et Philippe commence de nouveau à zigzaguer.
Il me semble que c’est juste après Senonches, que nous nous sommes arrêtés 20 minutes au pied d’une église, sous un pin parasol. Le lit d’aiguilles de pin, moelleux et chaud, c’est un sacré bon plan que je ne connaissais pas ! Après cette petite pause, nous avons les yeux rivés sur notre prochain objectif, Dreux. Nous appuyons sur les pédales comme des malades. Nous commençons à former un train auquel quelques cyclistes s’accrochent. Nous prenons des relais avec Philippe, et nous filons dans la nuit. C’est dingue comme parfois, les ressources surgissent de nulle part.
Honnêtement, la perspective de dormir à Dreux nous a bien motivés. Nous avons préféré encore une fois « prendre soin de nous » plutôt que d’arriver quelques heures plus tôt, en moins bon état. Arrivés à 4h25 à Dreux, nous pointons et allons nous coucher dans une petite salle, en haut des gradins du stade transformé en dortoir. On décide de dormir 2h
Levé 6h30 et quelques pour le petit dej. J’ai mon talon d’Achille droit qui grince pas mal à froid maintenant et mon genou gauche qui tire un peu, depuis Tinténiac. Ça a dû me prendre à cause du manque d’hydratation. Je mets un coup d’anti inflammatoire, ça ira pour les deux heures de vélo qui restent.
En rentrant dans la salle de cantine, je vois arriver Elisabeth. Mazette, « qu’est-ce que tous fous là ? Je pensais que tu avais déjà fini ! ». Ely (alias elyasmina), je l’ai rencontrée grâce au SCARM lorsque j’habitais à une heure de transilien de Paris. Nous avions formés la team apéro, avec Droopy (croisé au Roc’h Trévézel), Arturr (photographe sur PBP pour le CDM), Clément CGG et le Baron. A notre actif, un brevet de 300 jusqu’à Dieppe avec un repas moule-frite gigantesque au milieu, et un nombre incalculable de litres de bière absorbés.
Ely s’est mangé de belles douleurs à cause d’une selle mal réglée, et pédale depuis un moment avec une seule jambe. Quelle force de caractère celle-là ! On se prend quelques pâtisseries tous les trois en papotant, et on repart vers 7h30.
Il nous reste donc deux heures à peu près, pour rentrer sur Rambouillet. On décide de les terminer tous les trois, à une allure proche d’une course d’escargots. Peu importe la montre maintenant, on sait qu’on homologuera ce PBP, et c’est tout ce qui compte.
9h50, arrivée à Rambouillet. Nous avons terminé cette randonnée tous les trois, nous passerons la ligne côte-à-côte ! Ely et Philippe passent le test du pot de cornichons avec succès, pour valider leur dextérité auprès du jury du Concours de Machine. Les félicitations du patron à l’arrivée me touchent.
Il ne
reste plus qu’à aller pointer et récupérer cette médaille histoire d'habiller la cheminée!
PBP,
c’est fait, c’est terminé. On m’indique une douche chaude dans
un bâtiment de la Bergerie : tel le phoenix, je renais de mes cendres! Désormais, mon objectif est double : manger, et
dormir.
Epilogue
J’ai passé mon
après-midi à dormir au soleil dans le parc de la Bergerie, et
manger des glaces. Quel bonheur ! Deux semaines et demie de
vacances sont devant moi. Je vais enfin pouvoir sortir le hamac !
PBP c’est sans doute l’expérience la plus mythique que peut
vivre un cyclotouriste, même s’il existe un tas d’épreuve de ce
type. Le PBP c’est la démesure, c’est l’ambiance et c’est la
légende. Je suis super heureux d’avoir bouclé mon premier PBP.
Mon objectif personnel n’est pas atteint, mais finalement je me
suis rendu compte que c’était idiot.Jamais je n'aurais imaginé rouler 1000km avec une seule et même personne. Nous nous sommes soutenus mutuellement, et Philippe m'a tracté dans mes moments de faiblesse. Je tiens à le remercier encore une fois pour l'aventure qu'on a vécu ensemble, c'était vraiment chouette et c'est inoubliable!
Je sais que dans quatre ans je serai une nouvelle fois au départ. Je sais aussi que je partirai le Lundi matin, comme sur la RAA, et que je prendrai une semaine de vacances avant le départ.