mardi 9 mai 2017

Faut-il soigneusement préparer ses affaires avant de partir faire du vélo?

Ely a eu le courage d'écrire un récit de cette (més-)aventure, je vous laisse le déguster:

 Au début, nous devions être quelques uns, finalement nous ne fûmes que deux, les autres ont dû flairer l'embrouille...Donc, vendredi dernier, rencard à Limoges; je descends en train et retrouve l'Unidred, qui sort de sa bagnole un p*** de vélo de dentiste : le gamin roule sur un proto (velo d'expo, ndlr) Cyfac d'Oxymore2, çui-là :
  

Avec le LeVacon à côté, c'est globalement indécent.Le merdier commence le samedi matin à 6h30 : sans café, autant dire sans cerveau, j'effectue machinalement les gestes familiers du remballage quand mon comparse annonce qu'il a retrouvé le GPS qu'il pensait avoir oublié la veille, mais que ce sont finalement ses chaussures de vélo qu'il a laissées chez lui... Panique, rien n'ouvre à Limoges avant 9h du mat, et nous devons être à Aurillac ce soir, à 220 km et 3500m de d+ de là. Basta, il roulera jusqu'à Brives (km 100) avec ses petites chaussures de ville de jeune homme de bonne famille sur les pédales spd ! Elles sont marron et en fin de vie, avec le cuissard, le casque, la veste et les gants jaune fluo, on peut parler d'audace vestimentaire. Ce ne sera pas la dernière, Unidred est un garçon plein de ressources insoupçonnées.Nous voici donc partis de Limoges, fort jolie ville au demeurant.

On s'était bien dit que l'essentiel, ce n'est pas de rouler vite, mais de limiter les pauses et nous n'avons d'ailleurs trouvé aucune difficulté à rouler à la coule. Première pause pour un café salvateur au km 2.5, tout va bien, on écoute avec joie la même réflexion appuyée de la grande gueule du comptoir du PMU pour la septième fois, mais il a tellement raison, c'est vrai que ça va plus vite en ouature...Deuxième pause au km 12 : je crève à l'arrière. Les Compass ont plus de 3000 km, c'est leur 1ère crevaison. Grosse boule d'appréhension au moment du démontage du pneu, la dernière fois que ça m'est arrivé sur cette jante, avec des Michelin Power, il a fallu casser 5 démonte-pneus (sur 6 embarqués...) avant de réussir à sortir la tringle. Ouf, les Compass se sont bien assouplis, pas de difficulté particulière.Accessoirement, il fait -1, avec un vent du sud-ouest qu'on dirait venu de Sibérie. Nous repartons congelés.Jusqu'à Brives, Unidred affronte bravement les incessantes petites bosses en Derby marron à bout golf, puis part seul à la recherche de ses nouveaux souliers, pendant que je fais le marché. J'ai faim, j'achète à manger pour 25 personnes, presque 1kg de cochon de lait rôti, une espèce de pâté d'abats de cochon avec les rognons, les oreilles, le museau, du saucisson, du Saint Nectaire, 400g de nougat, une livre de pain de meule, - et des tomates cerises et des fraises, parce que les filles ça mange des fruits et légumes.On s'était dit aussi que l'alimentation, c'est fondamental, qu'il faut manger régulièrement mais pas trop à chaque fois. En même temps, on n'avait pas de place dans les sacoches pour ranger les restes, il a fallu faire des choix : on a donc arrosé consciencieusement le pique-nique avec une pinte, histoire de faire glisser. Et puis Boris venait de s'acheter une paire de Spé vernies de luxe, en soldes certes, mais qui faisaient de lui le dandy de la route auvergnate et devaient lui donner des ailes, telles les talonnettes d'Hermès. Il faut bien avouer que le départ de Brives fut quelque peu poussif, mais il faisait beau, les paysages étaient bucoliques à souhait, les villages choupinets comme tout...

Surtout, son pneu arrière, monté en tubeless, se dégonfle trop régulièrement pour être honnête. Après inspection, il a une grosse entaille sur le flanc. Unidred tente de faire couler le liquide sur le côté, mais la blessure est trop large : opération CAA. C'est un peu dégueu, y en a partout, j'éponge la roue avec mon petit chiffon - le môme se moque de moi parce que j'ai un chiffon pour nettoyer mon vélo en rando, n'empêche que lui, ça ne le dérangeait pas de laisser sa roue souillée de liquide blanchâtre, déjà qu'il a entortillé le fil de la dynamo à la loupiote comme un sagouin, et scotché sa loupiote arrière avec du chatterton sur un cadre qui fait son salaire annuel, je crois qu'entre Brigadier et le Baron, il subit des influences désastreuses.Mais c'est là que les premières petites galères ont réellement commencé. Jante tordue ou pneu obstinément asymétrique ? N'empêche que la roue frottait contre le cadre, avec un saut qui tirait vers le bond. Il faudra de nombreuses interventions pour éviter de complètement poncer la peinture de la base, sans réussir à limiter le saut : mon pauvre comparse a vécu Paris-Roubaix à chaque tour de roue jusqu'à la fin du week-end.Avec tout ça, on en oublierait presque que ça monte et ça descend, mais tout cycliste sait que ça monte toujours plus que ça ne descend, ne serait-ce parce que ça monte beaucoup plus longtemps. L'heure tourne, les pattes accusent plus de 3000m de d+, surtout pour Unidred en compact avec une cassette 11/28, pendant que je mouline sur le 32 ou le 36. Nous avons réservé un studio en airb'n'b à l'entrée d'Aurillac, heureusement que notre hôtesse est souple sur les horaires. En grimpant, je fantasme sur une côte, mais de boeuf, Salers si possible, les petites vaches brunes avec leur air têtu et leurs cornes frondeuses me donnent des envies de barbecue démesuré. Mais vu la desserte des petites routes coréziennes puis cantaliennes, on sera déjà bien contents de trouver une épicerie de village avec des pâtes, du beurre, des lardons, des oeufs, du Cantal et du saint Nectaire... Hélas, 3 fois hélas, nous avons chacun oublié le mini sac à dos qui me permettrait d'emporter la quille de Côtes d'Auvergne pour magnifier cette pitance roborative qui me renvoie, non sans une pointe de nostalgie, à mes vertes années estudiantines, mais le foutu bikepack minimaliste est plein à craquer, ce sera régime sec, sans doute le coup le plus dur de la journée pour moi.On trace vers Aurillac sur la Nationale au lieu de longer le barrage, mais tant pis, il fait nuit, nous sommes en retard, fatigués, affamés, pressés d'en finir. En bons boulets, on se plante à l'arrivée à Aurillac, on est allés trop loin, 1/2 tour, une dernière côte à 13% et enfin notre hôtesse nous sourit devant sa porte.A part le détecteur de fumée hystérique quand je fais revenir les lardons, plus d'incident majeur. Et il y a du café pour demain matin !!! Cette nouvelle me réconcilie avec la vie. Je m'endors comme une masse, malgré le vent furieux qui hurle sur le plateau, et qui présage quelques rebondissements le lendemain.Fin du J1.
Le réveil sonne - trop tôt - à l'aube du 2ème jour. On traîne. Boris bataille avec sa roue. Nous sommes d'une remarquable inefficacité et partons avec plus d'une heure de retard sur l'horaire ambitieusement prévu. Il faut dire qu'entre temps, nous avons regardé la météo, vaguement alertés par le hurlement strident d'un zef déchainé au dehors : rafales prévues à plus de 77km/h, sud, sud-est, avec pluie à partir de 18h. Plus de 220 km et au moins 3000m de d+ pour rallier Orcival en contournant les grands puys par l'est, ce qui implique un vent latéral sur un tiers du parcours, et me fait proposer à mon complice de piquer plein Nord, bim sur les volcans ! Mamie a la carte papier et connaît le coin comme sa poche, Junior est tenté par la découverte, d'autant plus que je lui promets des grimpettes longues mais sans violence, des paysages de pub Volvic, 65 bornes en moins et le vent dans le dos...Pourquoi cela ne s'est-il pas passé ainsi ?Déjà parce que les prévisions météo sont souvent fallacieuses, et que le vent en montagne emprunte des voies mystérieuses. Nous attaquons la route des crêtes au dessus de la vallée de la Jordane, c'est bien casse-patte au saut du lit et le vent vient résolument de l'est, il est latéral. Un copieux petit déj à la croix de Cheules nous retarde encore de près d'une heure (km 18 !), le paysage est magnifique mais un gros nuage noir s'attarde sur le Puy Marie, j'aime pas trop. Tant pis, on grimpe, lentement mais sûrement. Unidred maugrée contre sa roue qui saute, sa cassette en 28, ses cuisses plus habituées au plat. Le vent tournicote, on valdingue dès qu'il n'est pas strictement sur nos arrières, mais globalement, quand même, enfin issu du sud, il nous pousse bien. A l'arrivée au Pas de Peyrol, plus haut col d'Auvergne, il y a de la neige, la route vient d'ouvrir. Il est midi passé, apéro !!! J'apprends au chalet du col que la route sera fermée à 18h car on attend 20cm de neige dans la soirée. En attendant, le nuage noir s'éloigne et on profite du paysage. je n'ai pas trop fait de photos, je passe souvent par là, mais :


Les 1ers km de descente sont violents, le vent précipite ma casquette en gore tex dans l'abîme, shit... Les petits vélos semblent des fétus de paille devant un ventilo géant, et puis le faux plat de la Santoire, vent dans le cul, nous volons, la vie nous apparaît sous son jour le meilleur... à part qu'il est 14h et qu'on n'a pas mangé... Nous trouverons une halte opportune avant Condat, trop chère pour la bouffe familiale sans talent qui nous est servie, trop copieusement une fois de plus, mais bon, nous sommes prêts à remonter sur Besse. Enfin à remonter, puis à descendre sur Besse, et là, tout bascule.Il fait beau encore, mais le vent a tourné à l'ouest, nord ouest, avec des nuages menaçants. D'abord, on se les pèle, ensuite il faut remonter puis redescendre puis remonter puis redescendre avant d'attaquer la Croix saint Robert à 1450m. L'ascension commence à peine qu'il se met à pleuvoir - tssssss, nous sommes équipés, il nous en faut plus que ça... La drache s'intensifie, le vent forcit, ça fait "floc floc" dans les pompes parce que comme des débutants, on a mis les sur-chaussures au dessus du cuissard, la température a chuté de façon spectaculaire.Et là dessus l'Unidred, coupable d'une hybris dont nous serons bien punis par les cieux vigilants, fait le faraud et ricane : " Ben, il manque la grêle pour que ce soit vraiment épique !"Quel est le crétin qui a dit "après la pluie le beau temps" ??? Deux minutes plus tard, la drache se transforme évidemment en grêle, bien drue dans la gueule, j'ai plus de casquette, pas de casque, mes uniques lunettes sont solaires, je roule les yeux quasiment fermés, fixés sur le GPS réglé à 80m pour suivre la route. Inutile de rappeler que nous grimpons un col et que cela se passe à plus de 1000m, à moins de 10 km/h... J'hésite à rebrousser chemin vers Besse, mais il faudrait regrimper autant que ce que nous descendrions. On grimpe donc.Et je repense aux 20cm de neige annoncés sur le puy Marie...Et il fait de plus en plus froid, la neige se mêle à la grêle. A un moment, par réflexe, j'égoutte mes manches sur le côté, misère c'est de la glace qui tombe. Le vent doit souffler à 100km/h, il faut sortir de ce merdier, j'essaie de faire du stop, pas une bagnole ne s'arrête - je ne m'en suis toujours pas remise d'ailleurs, de cette indifférence-là.A 2300m du col, une lumière dans la tourmente, un refuge ! J'embarque Boris, c'est ouvert, je me vois déjà devant un pot au feu fumant, une bouteille de côtes d'Auvergne - même une merdouille de la grosse coop de St Verny me ferait plaisir dans ces conditions, c'est dire ! - j'imagine quelques coups de gentiane au coin du feu avant de glisser sous une couette douillette, c'est le 4ème acte de la tragédie, l'heure des faux espoirs, et plus dure sera la chute !Car le destin s'acharne sur les deux microbes : c'est un refuge l'hiver, il fait -4, c'est la tempête de neige, mais ... ce n'est pas l'hiver ! On peut boire l'apéro, mais c'est tout. Et signe qu'on touche le fond, j'ai même pas envie de boire l'apéro ! La mort dans l'âme, on retourne dans le blizzard, on est trempés, gelés, on ne voit rien ; c'est ballot, j'avais choisi cette route exprès pour le paysage. La neige commence à se solidifier sur la route, on a l'impression de rouler sur des grumeaux. Elle s'accumule sur mon vélo au niveau du boitier de pédalier, bientôt ça va faire une congère. Il ne reste que 2 bornes à 3%, boostés d'adrénaline par anticipation de la descente qu'on redoute gelée, on roule au moins à 8km/h ! Le vent nous cloue sur la chaussée, tout est blanc autour de nous, la pensée fugitive de la fin me traverse. Unidred a le moral, mais ça ne me rassure pas trop, l'inconscience de la jeunesse, quoi ! Et soudain, un panneau : "Col de la Croix Saint Robert" ! A part que ça continue à monter, ou du moins qu'on ne descend pas, c'est un plateau, pas une bascule ! Là, c'est le 5ème acte, le héros anéanti par le rouleau compresseur de la fatalité succombe pour expier la démesure de ses passions...
"Mais c'est dégueulasse, c'est Unidred, m'sieur, c'est lui qui a provoqué l'ire des dieux de la météo, c'est pas moi !
- Rien à foutre, tu es complice, tu paies aussi !"
En vrai, ce n'est pas une tragédie en 5 actes, il y a du bon à ne pas être un héros, et enfin, la route plonge un peu, mieux abritée du vent. La route est détrempée, avec une espèce de boue de neige, mais pas encore verglassée. Nous descendons à 12 à l'heure, en essayant de ne pas guidonner tellement on tremble de froid. Nous avons quasiment perdu l'usage de nos doigts, mais le quasiment suffit à freiner ; plus on descend moins c'est gelé, plus on va vite, plus on a froid. Enfin, à 6km en bas du col : le Mont Dore ! 1er hôtel, je saute du LeVacon, j'entre dans le sas, je sonne, le taulier arrive, me regarde avec stupéfaction, me demande d'où je viens, je secoue les bras, des plaques de glace tombent par terre et je lui dis d'un ton théâtral : de l'Enfer !


A partir de là, la tragédie avortée vire à la farce...Nous sommes très gentiment accueillis à l'hôtel, on nous propose de faire sécher toutes nos affaires, ce qui est évidemment accueilli avec une reconnaissance spontanée. Oui, mais... Unidred voyage léger, et le terme est à prendre dans tous ses sens. En clair, il n'a pas d'autres pompes que ses magnifiques Spe totalement trempées, ayant jeté ses fameux Derby marron pour ne pas avoir à les trimbaler... Et il n'y a pas de restaurant dans l'hôtel, il faut aller en ville... en chaussettes ! Mais le plus drôle, ce n'est pas ce qu'il n'a pas prévu, c'est justement ce qu'il a prévu : sa tenue du soir se compose d'un T Shirt en merino (jusque là, tout va bien) et d'un... short ! oui, vous savez, un de ces petits shorts de sport en matière technique, très léger, parfait pour l'été (cf. dernière photo)... Et évidemment, il n'a pas de veste, juste un coupe-vent imperméable pour lors trempé, et de surcroît jaune fluo.Mais le gosse ne s'est pas démonté, a expliqué la situation aux tauliers - effondrés de rire - et a demandé au monsieur qui faisait 10 cm et 30 kgs de plus que lui s'il pouvait lui prêter des pompes, un futal et une veste. Rien que ça !Et c'est ainsi que je suis sortie au restaurant avec un Unidred affublé d'honorables grolles marron, d'un jean (certainement Gamm'Vert, avec le Baron, j'ai l'oeil pour la coupe) trop grand pour lui, et d'une veste de Madame bleu marine à doublure fuschia...N'empêche qu'au resto, on s'est tapé une bonne grosse truffade des familles et que j'ai enfin pu écluser ma bouteille de Côtes d'Auvergne, un Boudes 2012 délicieux plus exactement, nan mais !Fin du J2
Le troisième jour est très rapide : la météo était prévue pourrie, avec du vent dans le nez, nous avions fait 350 km et 6300m de d+ en 2 jours dans des conditions contrastées, j'avais un train à Limoges à 18h, la ouature d'Unidred y était stationnée, nous avons rallié Ussel à 55 bornes à l'ouest, abandonnant définitivement la neige à partir de La Bourboule. De là, TER jusqu'à Limoges, petite visite de la ville, dernière pinte et "Ciao, on se revoit sur le BTR !"





Alors, faut-il préparer ses affaires? Meuh non, les autres sauront vous prêter main forte à temps!


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